Peut-être certains d’entre vous auront regardé l’émission de mercredi dernier (28/11/07) menée par Marie Drucker. Le thème portait sur la Libération, vaste
débat dont quatre ou cinq aspects ont été traités en particulier : la libération de Paris et le rôle joué par le Gal Von Choltitz, la bataille du Vercors, les femmes tondues de la Libération
et l’attitude des Alliés face au génocide juif.
Le site internet de France 3 donne un large aperçu du programme de l’émission :
« Pour son deuxième numéro, Droit d’inventaire revisite l’une des périodes les plus importantes du XXe siècle : la fin de la Seconde guerre mondiale.
A l’heure où la lecture de la lettre du jeune résistant Guy Môquet fait débat, l’émission éclaire particulièrement cette année 1944 qui voit les Alliés débarquer en Normandie, et l’occupant
chassé.
Derrière la joie de la Libération, se nouent aussi des drames : les résistants qui sortent du maquis trop tôt et se font massacrer par la milice, Hitler qui exige la destruction de Paris, les
derniers trains qui quittent Drancy pour Auschwitz sans que les Alliés bombardent les rails, les femmes tondues sur les places de villages… Un moment paroxystique qui accouche, dans la
douleur, de la France d’aujourd’hui. »
Le choix de certains intervenants dans cette émission laisse perplexe :
- Raymond Aubrac, le mari de Lucie, qui donne l’image d’un homme susceptible, peu enclin à la critique, surtout quand Marie Drucker lui demande si la bataille du
Vercors n’a pas été une erreur stratégique. On peut comprendre sa réaction, même si, au lieu de céder à un énervement à peine dissimulé, il aurait pu faire preuve de plus de pédagogie. Un des
anciens du Vercors dira dans le reportage : « nous allions au casse-pipe ».
Par ailleurs, peu de personnes sont au courant de la controverse à l’égard des Aubrac, ce « couple mythique de la résistance ». (La Nouvelle Revue
d’Histoire, N°30, mai-juin 2007, « Lucie Aubrac : les oubliettes de l’histoire officielle »). Extrait : « Décédée le 14 mars dernier, Lucie Aubrac a eu droit à un concert
unanime d’éloges funèbres et aux honneurs militaires dans la cour des Invalides. « Lumière rayonnante de la Résistance », a proclamé Jacques Chirac à cette occasion.
Ainsi tombaient dans les oubliettes de l’histoire officielle les polémiques qu’avaient relancées en 1997 le livre de Gérard Chauvy, Aubrac, Lyon, 1943 (Albin Michel), dans lequel cet
historien lyonnais avait fait état d’un « testament » de Klaus Barbie, ancien chef de la gestapo de Lyon, accusant formellement les époux Aubrac, Lucie et Raymond, d’avoir
« donné » aux Allemands la réunion de Calluire et provoqué l’arrestation de Jean Moulin, le 21 juin 1943.
Sans reprendre à son compte cette accusation, Chauvy avait néanmoins recensé bon nombre d’invraisemblances et de contradictions qui émaillaient depuis un demi-siècle les différents récits des
deux célèbres résistants que leur campagnonnage avec le parti communiste avait prémunis jusqu’alors des critiques, mais qui ne s’étaient pas gênés, de leur côté, pour accabler rené Hardy, un
autre résistant, coupable d’anticommunisme (…) »
- BHL (c’est vrai que c’est un grand spécialiste de la Shoah), qu’on reconnaît dans son rôle de nouveau philosophe et de grand moralisateur : il dénonce la
passivité des Américains face à la Shoah alors que Roosevelt était bel et bien au courant de l’existence des camps de la mort. Explication : selon BHL, il y aurait bel et bien eu un
véritable « crime d’indifférence », la Maison Blanche ayant préféré privilégier l’effort de guerre contre les forces armées allemandes, afin de légitimer un tant soit peu l’entrée des
USA dans le conflit européen. Face à une soi-disant « droite américaine conservatrice, xénophobe et antisémite », Franklin D. ne voulait pas voir sa guerre taxée de « guerre pour
les Juifs ». Et BHL qui assène sa démonstration en balayant ses cheveux rebelles et en bombant son torse qu’on devine derrière sa chemise blanche largement déboutonnée : oui mais voilà,
« on » aurait pu bombarder les endroits adéquats pour arrêter le tragique processus. Et là réponse d’une ancienne juive déportée : « oui, et on serait allé où ? Dans les
bois environnants ? Les nazis nous auraient rattrapées ! » BHL ne se démonte pas : « voyons, je vous parle de bombarder les voies ferrées ! Pas les
camps… » Coup de massue de la déportée : « ça ne tient pas debout, on se serait retrouvé bloqué en pleine voie et vous imaginez la suite. » Là BHL ne dit plus rien, à
court de munitions. Et oui, ce n’est pas parce qu’on est normalien agrégé, beau gosse de surcroît et marié avec Arielle Dombasle qu’on a la solution à tout.
- le couple Klasferld (les parents d’Arno), dont l’acharnement à pourchasser les criminels nazis laisse pantois. Dans l’esprit de justice égalitaire, parce que ce
sont devenus des justiciers, on ne sait pas à qui donner la première place : Beate ou Serge. On comprend leur combat, mais on s’interroge sur leur véritable leitmotiv sur le long
terme : justice ou vengeance ? Forcément, ça dérange. En témoigne le procès Papon.
-On notera cependant l’intervention de spécialistes d’un registre différent : notamment Max Gallo et
Dominique Lapierre, auteur du best-seller « Paris brûle t-il ? » dont la finesse d’analyse et le recul évitent justement les clichés et les partis pris navrants. On aura apprécié
également le témoignage vibrant de Claude Rich, adolescent à la libération de Paris ou celui, touchant, d’une « fille de Boche », dont la vie entière aura été
profondément marquée.